Le mime veut faire plus de bruit

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Plébiscité, le plus grand festival du genre en Europe n'évite pas la crise d'identité d'un art victime de sa caricature.

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Les momies de Kumulus, jeudi soir. Mime ou théâtre ? (Photo A. Loth)

Le mot a claqué, sec, mercredi : le mime Marceau, qu'on aurait juré référence sainte du festival qui secoue Périgueux depuis trente ans, ne serait plus qu'un « piège » tendu aux spectateurs les moins avertis. C'est Yves Marc, l'un des fondateurs du Groupe de liaison des arts du mime et du geste (Glam), qui l'a prononcé au centre culturel de la Visitation, lors d'un débat sur la reconnaissance de la profession (lire « Sud Ouest » de jeudi). Le Glam est une commission nationale encadrée par le ministère de la Culture pour travailler sur l'identité institutionnelle de cet « art du geste », jugé flou et dissous entre théâtre, danse et cirque. Et c'est la question qui court souvent dans la foule : pourquoi les comédiens ouvrent la bouche (ou pourquoi une fanfare déambule depuis hier, muette) ? Et où sont les clowns tristes, à marinière ?

« C'est comme si le mime s'était diffusé dans les arts voisins », a poursuivi Yves Marc. Jusqu'à disparaître ? Loin de là. Mais assez pour mal vivre la « distorsion auprès du public entre l'image du mime Marceau et la création contemporaine ». Ou de s'enliser dans des débats sémantiques compliqués (« il ne faut pas confondre la parole et la verbalité », dixit Jacques Baillon, le directeur du Centre national du théâtre). Même le mot mime en gêne beaucoup : pas clair, trop caricaturé (le type qui imite la porte qui grince, pour mimer son ouverture).

Cela dit, le débat n'empêche pas la foule de se presser à Périgueux pour faire chavirer ses perceptions, entre spectacles franchement comiques et abstractions mystiques, solistes sensibles ou barnum gigantesque. « Ce qui parle au public, c'est un bon spectacle », tranche Patrick Roger, le conseiller artistique du festival depuis trois ans.

Une exclusivité française
« C'est la force de Mimos : faire oublier, sans l'effacer, en la continuant, l'histoire déclenchée par Marcel Marceau il y a cinquante ans. » Façon polie de dire qu'on ne fait plus du Renoir au cinéma (et c'est tant mieux). Un commandement, toutefois : « Que le corps soit particulièrement impliqué dans la dramaturgie. » Voilà « l'exclusivité française » du festival.

Mimos est devenu le plus grand festival du genre en Europe avec Londres : 50 000 spectateurs (environ 5 000 en salle) et 500 compagnies présentées au « in », dont toutes les stars possibles. Mais faute de reconnaissance claire de la profession, la ville n'a pas encore tiré tous les profits de son beau festival - façon Avignon, du moins.

Par exemple, le Glam constate, entre autres, que le pays ne dispose pas d'école nationale de la discipline. Et mercredi, lors de la conférence, disons, identitaire, une inspectrice du ministère l'a souligné : l'État peut « envisager des lieux de référence », en France, pour le mime. Avec son envie d'un « pôle national » sur place, Périgueux veut jouer cette carte, autant artistique qu'économique et politique. Déjà, pour une préfecture à la taille de sous-préfecture, se distinguer parmi plus de 500 festivals de théâtre en France, ce n'est pas rien en terme de retombées. D'ailleurs, comme l'a rappelé la directrice de l'Odyssée, Chantal Achilli, le pari originel du festival était « touristique, à l'origine, pour amener les gens au centre de Périgueux », quand la vallée de la Dordogne les aimantait. On connaît la suite. Mais pas l'avenir.

Par Adrien Vergnolle