ENTRETIEN AVEC
Mario GONZALEZ
Philippe PILLAVOINE : Mario GONZALEZ Bonjour.
Mario GONZALEZ : Bonjour Philippe PILLAVOINE.
Philippe PILLAVOINE : Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation à un entretien filmé. Une première pour nous pour SilenceCommunity.com qui est le site communautaire dédié à l'art du Mime. Alors je ne sais pas s'il faut que je vous vouvoie pour les internautes ou si je vous tutoie.
Mario GONZALEZ : J'aimerais beaucoup le tutoiement.
Philippe PILLAVOINE : D'accord. Alors Mario tu es professeur, comédien, metteur en scène de théâtre, de jeu masqué... Alors de théâtre et de jeu masqué ?
Mario GONZALEZ : Et de clown.
Philippe PILLAVOINE : Et de clown.
LE GUATEMALA
Philippe PILLAVOINE : Tu as commencé au Guatemala...
Mario GONZALEZ : J'ai commencé au Guatemala mais sans m'en rendre compte. J'ai commencé parce que... d'abord ma mère qui était puéricultrice m'a appris à faire des marionnettes en papier mâché, à les habiller, les peindre et à jouer avec. Donc j'ai commencé par faire rigoler ma famille, et après les voisins, après le quartier, et après la ville... Et je suis rentré de plein pied dans ce métier par le plaisir pur. Et j'ai découvert que ce plaisir avait un prix. Et qu'on me payait pour ça. Donc déjà à 9, 10 ans, je gagnais de l'argent. On vendait mon spectacle ensemble avec des glaces et des gâteaux pour les anniversaires. Mon camarade qui travaillait avec moi, un camarade d'école, il n'aimait pas parler. Il avait peur de parler. Il avait des problèmes d'élocution. Du coup, c'est moi qui devais faire tous les mots, tous les dialogues, et j'étais poussé... j'adorais ça. Donc je faisais toutes les voix. Parce que j'étais derrière un castelet, et c'est ma main qui s'exprimait. Et mon corps et ma voix avec. Mais comme j'étais caché, j'y allais dans les sentiments, dans les rires, dans tous. Car quand tu es caché, tu n'as plus de limite, tu n'as pas de barrière. Tu as une barrière et tu n'as pas de barrière. Mais enfin, quand je suis arrivé à 18 ans, tout simplement, je passais à la place de ma main. J'étais prêt pour jouer. Ma main m'avait pratiquement guidé toute ma vie. Et j'étais comédien sans le savoir. Et par hasard, j'ai remplacé quelqu'un dans une répétition, et ça ne s'est jamais arrêté jusqu'à maintenant. C'était comme ça pour le plaisir. J'ai découvert l'importance du métier petit à petit. Si je n'étais pas bon, si je n'étais pas sincère, on ne me payait pas. Les gens ne s'arrêtaient pas. Je jouais aussi dans la rue. Donc j'ai commencé à comprendre tout ça sans que personne ne me l'explique. Et c'est comme ça que je suis arrivé aux masques et au théâtre. Mon père ne voulait pas que je fasse du théâtre. Il était complètement opposé à ça. Du coup, j'ai commencé quand même à faire du théâtre en cachette, j'ai accepté de faire de l'architecture. J'ai fait trois ans et demi quand même...
Philippe PILLAVOINE : D'architecture...
Mario GONZALEZ : Voilà parce que mon père voulait que je fasse un vrai métier. Il ne voulait pas que je sois comédien, chanteur, musicien comme lui.
Philippe PILLAVOINE : Il était aussi artiste ?
Mario GONZALEZ : Et oui, il ne voulait pas que je donne à mes enfants à manger que du riz. J'ai commencé en cachette à suivre des répétitions, en cachette j'ai réussi à rentrer dedans j'ai remplacé au pied levé un comédien... Comme j'avais assisté à toutes les répétitions je connaissais le texte par cœur. Mais comme je devais être devant les caméras, les photos et tout, j'ai commencé à me changer mon nez, à jouer avec des lunettes, à me faire des faux cils, je me déguisais, des perruques beaucoup, de corps je changeais toujours de corps, pour que si mon père voyait une photo ne me reconnaisse pas. Et changer de nom... donc j'avais un pseudonyme, et il n'y avait pas un spectacle où je jouais avec mon véritable visage. J'ai découvert le masque par motivation profonde. La véritable raison du masque je l'avais en moi-même car je ne voulais pas que personne ne me reconnaisse. Et mon père à un moment donné a découvert que je faisais du théâtre parce qu'il m'a dit « d'où tu sors cet argent ? D'où il vient ? » Parce que j'ai toujours aidé ma famille, et j'ai du lui avouer, « écoutez c'est parce que je fais ça ! » Il m'a dit « Eh bien puisque c'est comme ça, je te permets d'arrêter l'architecture, et de continuer à faire ce que tu donnes, parce que ça a l'air de fonctionner ».
L'ARRIVÉE EN FRANCE
Philippe PILLAVOINE : Tu es venu en France pour faire du Théâtre ?
Mario GONZALEZ : Non, non justement. Je suis arrivé à 25 ans, en travaillant dans tout, et pour tout et n'importe quoi et n'importe qui. Je faisais du ballet classique, du ballet moderne, du ballet folklorique, du théâtre classique, du théâtre moderne,... qu'est-ce que j'ai pas fait ? Au Guatemala. À mon âge, j'avais, je ne sais pas, 18, 19, 20 ans. J'avais un programme de télévision, où j'étais clown, où j'écrivais mes chansons, je les chantais moi-même, je les jouais au piano,... bref j'avais une position intéressante. Et à moment donné, je me suis dis « qu'est-ce que je fais ici ? Je veux apprendre. Je veux qu'on me dise quoi faire, qu'on m'aide, qu'on me fasse avancer. » Et personne n'était capable. Je ne sentais pas qu'il y ait quelqu'un qui puisse me faire avancer. Je me suis dit « Bon je vais arrêter tout. Pendant au moins 2, 3ans. Je vais aller, tiens en France, parce que j'aime cette langue, et je vais faire du français. Je vais apprendre la langue française. Et je vais arrêter le théâtre minimum pendant 2, 3 ans. On verra après s'il y avait quelque chose, ou si vraiment ce n'est pas la peine. » Donc je suis venu ici, en France, à 25 ans, en 1967 pour apprendre le Français. J'arrive en France pour faire de la langue à La Sorbonne, à l'école des langues de Censier, qui existe encore. Eh bien, il y avait trois cours par semaine, maigres comme ça. Donc je m'ennuyais à mort. Et comme par hasard, dans le même bâtiment, il y avait l'institut des études théâtrales, rien que ça. Théoriques ! Je me suis dis « Bon, c'est théorique, allez ! Allez pour pas m'ennuyer. » En plus on mangeait tous dans la même cantine. Les gens de langues et le théâtre, étaient tous dans la même cantine, je n'arrêtais pas d'entendre parler de théâtre, enfin bref... Je me suis inscrit. C'était Bernard Dort [photo], qui était le directeur de cette institution, et puis comme être Guatémaltèque était très exotique, dès qu'on voyait que c'était Guatémaltèque on m'envoyait en Italie, au Canada, on m'envoyait à des colloques. Notamment en Italie, j'allais à l'école en Gondole, à Venise ! Ah c'était fabuleux. Je ne sais pas, au bout de deux ou trois mois, il y a eu une conférence au théâtre, à l'Odéon, au Petit-Odéon, c'était Tania Balachova [photo]. C'était une grande dame qui avait une école, un cours. Du coup elle donnait cette conférence, et je suis allé à la conférence, comme j'allais souvent à des conférences, parce que c'est ça qui m'intéressait, en même temps que j'apprenais la langue. Dans la conférence, à côté de moi, il y avait Jean-Claude Penchenat, Georges Bonnot du Théâtre du Soleil. Et puis on a... il y a eu des atomes crochus tout de suite. « Tu es du Guatemala ? Ah vraiment ? » Et puis ils m'ont invité voir un spectacle qu'ils jouaient. Un samedi après-midi, au Cirque d'Hiver Montmartre, il s'appelait L'arbre sorcier, Jérôme et la tortue mis en scène par Catherine Dasté avec les comédiens du Théâtre du Soleil, que je ne connaissais pas du tout. Et du coup, je suis allé voir le spectacle, très beau, très bien. Et ils m'ont dit « ce soir, on joue Le songe d'une nuit d'été [photo], donc si tu veux rester... » J'ai mangé avec eux et suis resté. J'ai vu Le songé d'une nuit d'été, je crois que je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi beau... pas « je crois », je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi beau de ma vie. Les danseurs de Béjart qui faisaient les elfes, et les amazones les danseuses, la vedette de Béjart faisait Titania, le plus grand danseur à ce moment là faisait Obéron, et puis les comédiens du Soleil étaient tellement extraordinaires... Philippe Léotard, qui faisait Bottom,... et je m'arrête là. Bon, je ne connaissais pas Philippe Léotard, je ne connaissais pas les danseurs de Béjart, je découvre l'élite, la crème de l'art à ce moment là. Et je suis enchanté. Je déteste les fêtes, je me couche à 9 heures et demi, 10 heures du soir tous les jours même jeune, maintenant encore pire ! Mais ils m'ont dit « On fait une fête ». J'étais tellement euphorique, que je suis resté à la fête, et puis j'ai dansé, chanté, n'importe quoi ! Heureux ! Vraiment le bonheur total. Et vers 3 heures et demi du matin, il y a une dame qui vient s’asseoir et qui me confesse. « Tu t'appelles comment ? Tu viens d'où ? Quel âge as-tu ? »... Tout ! Et je réponds. Et puis elle me dit « C'est moi le metteur-en-scène. » « Enchanté Madame. » « Et puis lundi prochain... » On était samedi. « On commence un travail sur les clowns. Si ça t'intéresse, j'aimerais bien que tu viennes. » « Ah bon... » Et elle m'a dit « Si tu sais quoi dire, tu parles, sinon tu l'as ferme. » Comme ça, ces termes là. « Si tu comprends un exercice, vas-y, sinon s'il te plaît ne bouge pas, tu vas te faire virer. » « D'accord. » « Et je te fous dehors quand je veux, tu t'en vas quand tu veux. » Et ça, ça m'a beaucoup plu.
LE THÉÂTRE DU SOLEIL
Mario GONZALEZ : Et du coup on s'est serré la main et puis lundi j'étais là. Le première répétition avait lieu à Chaillot. Dans une salle de répétition qui maintenant est un théâtre. Le troisième théâtre à Chaillot c'est la salle où j'ai commencé à répéter. Et puis je me suis lancé. Comme je n'avais pas peur, je n'avais pas demandé du travail, je ne voulais pas rester, ça m'était complètement égal de rester ou partir. Je crois que quand on est dans ces conditions là, en principe on reste. Et c'est comme ça : c'est elle qui m'a voulu et elle m'a eu. Je suis quand même resté neuf ans avec eux. Et pour Les Clowns il y avait quarante huit personnes qui essayaient. On est resté huit.
Philippe PILLAVOINE : Le spectacle Les Clowns [photo] s'est fait avec huit comédiens ?
Mario GONZALEZ : Huit comédiens avec un orchestre et huit clowns qui faisaient des clowns. Et l'orchestre était aussi fait par des clowns mais c'était le rattrapage, l'orchestre.
Philippe PILLAVOINE : Ça c'est vers 1968, 67 ?
Mario GONZALEZ : 68. Et on faisait le tour de Paris, parce qu'on n'avait pas de lieu. On a travaillé au Théâtre Récamier, qui existait à ce moment là, qui était déjà en décadence totale, et à l'Athénée, dans le foyer de l'Athénée, dans... enfin bref on a fait le tour de Paris, parce qu'il n'y avait pas de lieu. Et on a joué Les Clowns à l’Élysée Montmartre. C'était un gros succès. Et après ça, elle a commencé à chercher vraiment un lieu pour elle parce que ce n'est pas possible. Guy-Claude François [photo], l'architecte de la troupe ou un des architectes a trouvé la Cartoucherie. On est allé investir les lieux [photo]. Puis on a vraiment mis en place cette affaire. Avec nos mains ! Il n'y avait pas d'électricité, pas d'eau. On allait chercher dans des charrettes de l'eau dans le Parc Floral qui était, je ne sais pas, à quatre cents mètres. Avec une charrette c'est difficile, ça tombe,... en hiver ! Pour manger on faisait des chaudrons. Et avec du bois, du bois de Vincennes, parce qu'il n'y avait pas d'argent et des grosses poêlées pour tout le monde. On était cinquante et quelques et tous les cinquante jours il fallait que tu fasses la bouffe pour tout le monde. Et il fallait que ce soit bon. Ce jour là évidemment tu ne travaillais pas, mais tu faisais à manger pour tout le monde. Et le plâtre il fallait le mettre vite sinon ça séchait, sans gants, sans rien...
Philippe PILLAVOINE : Après c'était 1789 ?
Mario GONZALEZ : Non. Il y a eu la reprise de La Cuisine [photo]. Que j'ai fait avec eux. Pour moi ça compte. C'était une pièce extraordinaire et une belle expérience. Ce n'était pas un rôle que j'avais créé. C'était un rôle muet. Et il y avait énormément de mime. Et ça m'a marqué de façon indélébile. Une des plus belles expériences que j'ai eu de ma vie : La Cuisine.
Philippe PILLAVOINE : Donc c'est ta première approche avec un jeu silencieux ?
Mario GONZALEZ : Oui.
Philippe PILLAVOINE : Et tu le considérais comme du mime ?
Mario GONZALEZ : Oui c'était du mime.
Philippe PILLAVOINE : Tu le considérais comme du mime ?
Mario GONZALEZ : Non, c'était du théâtre mais quand même on mimait la viande, on mimait les découpes... Mais pour cela, on est allé voir de vrais restaurants, on est allé voir de vrais bouchers, de vrais boulangers. Et on voyait comme ils faisaient. Et en voyant on pouvait copier, si tu veux. Et on a tâté, vraiment les matières. On a coupé... on pouvait même sentir les bruits tellement on les avait dans le corps. Moi je faisais Raphaël [photo], le... celui qui lave les assiettes,... le plongeur. Je n'arrêtais pas. Il fallait qu'il ramasse toutes les assiettes. Tu vois ? Il n'y avait pas d'assiettes... À un moment donné Raphaël a des assiettes et il trébuche et... plab ! Et les gens du public font ça ! Il n'y avait rien ! Il n'y avait que le bruit, il n'y avait que le mime. C'est là où j'ai découvert que je savais faire ça. Parce qu'on ne t'apprend rien au Soleil. On ne te dit pas comment faire. Ariane t'a jamais dit « Fais ça, fais ça... ». Jamais ! Eh bien voilà je crois que je savais faire car elle ne m'a jamais dit quoi que ce soit, on ne m'a jamais remplacé.
Il y avait Les Clowns, reprise de La Cuisine, 1789,... parce que jusqu'à 1789 [photo] on parlait de La Cuisine comme le plus succès du Théâtre du Soleil. Après c'était Le Songe d'une nuit d'été, et après il y a 1789 [photo] qui est venu écraser tout. C'était un superbe beau spectacle. Elle le dit très bien, elle disait toujours « C'est maintenant qu'on commence, c'est maintenant qu'on commence... » Chaque spectacle c'était le début. Tu vois ? Elle avait raison. En plus elle changeait totalement d'un spectacle à l'autre. Le décor était radicalement différent, rien à voir mais rien à voir avec l'autre. La Cuisine c'était du théâtre total. C'était du cirque. Les Clowns c'était à l'italienne [photo]. Et 1789 c'était sept estrades [photo], les gens debouts qui déambulaient avec des gradins qui regardaient. C'était quand même incroyable. L'âge d'or : quatre cratères [photo], des cratères avec de la terre qui venait du chantier des halles. C'est comme ça qu'on a construit les dunes. Les gens s'asseyaient dans un cratère [photo], et on entendait du bruit,... Ils allaient dans l'autre cratère, avec nous aussi. Et après ça, à partir de Méphisto, elle a instauré la version à l'italienne, qui reste jusqu'à maintenant. Sauf avec Les Éphémères elle n'a jamais plus changé. C'est toujours le public et la scène.
Philippe PILLAVOINE : C'est parce que Guy-Claude François a arrêté de travailler avec elle ou non ?
Mario GONZALEZ : Oui. Je n'avais pas fait la liaison, moi. C'est à lui que je dois beaucoup de choses.
Philippe PILLAVOINE : En scénographie ? Peut-être aussi tes études d'architecte ?
Mario GONZALEZ : Oui mes trois ans et demi ça m'aide. Les affiches que je faisais, mes maquettes. Et c'est vrai, même si je compte maintenant avec des gens vraiment formidables qui m'aident à réaliser mes rêves, mais mes décors c'est moi qui les veux. C'est moi qui les invente, c'est moi qui les désire. Et la personne qui m'aide, les fait très bien.
L'ÂGE D'OR
Philippe PILLAVOINE : Et sur L'âge d'or [photo], c'est ta première approche avec le théâtre masqué à part au Guatemala ?
Mario GONZALEZ : Non, 1789 était déjà masqué.
Philippe PILLAVOINE : D'accord. Tu jouais quel rôle dans 1789 ?
Mario GONZALEZ : Dans 1789, on jouait tous beaucoup de rôles, énormément. D'ailleurs je démarrais le spectacle dans une fable. Il y avait l'église : c'était moi le corbeau. Il y avait l'âne qui était le peuple. Elle voulait parler de l'époque moderne. Elle disait « Pour parler de l'époque moderne, vraiment il faut qu'on prenne un recul. Faut que l'on soit ailleurs. Donc on va être dans l'année 2030, 2050, et on va dire : À ce moment là, en France, il y avait ça. » C'était une belle idée parce qu'on appelait l'âge d'or cette période là. Alors ça nous a beaucoup inspiré. On a commencé à inventer en vrac des situations de toutes sortes. Comme dans 1789, c'était pareil. On a inventé des situations, on les mettait en vrac, et après elle faisait la chronologie. Elle les mettait en ordre, dans l'ordre qu'elle trouvait et jugeait, très justement, la meilleure disposition.
Philippe PILLAVOINE : Et tu as trouvé ton personnage rapidement, c'est ça ?
Mario GONZALEZ : Assez rapidement oui.
Philippe PILLAVOINE : Marcel Pantalon c'est ?
Mario GONZALEZ : C'est-à-dire que j'ai essayé Pantalon classique. Comme tout le monde le sait, tout maigre, avec des jambes maigres, en rouge, petite cape, et la barbichette et tout... J'ai vraiment essayé fort. D'ailleurs on a appelé des gens du Piccolo Théâtre de Milan de Strehler et tout, on s'entendait bien. Il y a des gens qui ont été engagés et désengagés pratiquement le jour même. Parce qu'ils arrivaient à nous montrer des clics et des clacs, que des clichés. Et Ariane leur a très gentiment dit que « ce n'était pas de ça qu'on avait besoin, merci ». Donc ils sont repartis aussi sec. Et nous on a commencé à rechercher les vraies sources de ce miracle de la Commedia dell'Arte. Le contact direct avec le public. Comment raconter une histoire. Pourquoi ? La motivation profonde. Et comment se mouvoir. Et comment montrer des choses le plus physiquement possible. On a commencé à utiliser des masques. Erhard Stiefel [photo] a créé des beautés. On les mettait là, ils sont toujours là la plupart, et tu t'installais, tu voyais les masques. Elle disait « Qui y va ? ». Alors voilà, tu y vas ou pas. Tu prenais le masque, tu t'habillais comme tu veux et tu faisais. Et quand ce n'est pas bon « Sortez s'il vous plaît. Quelqu'un d'autre. » Et elle prend la crème. Elle prend le plus beau. C'est que j'ai essayé ce personnage barbichette etc... Et ça ne marchait pas. C'était bien mais ce n'était pas ça. Je me suis dit « Moi, moi ça ne me plaît pas. » Je vais essayer de faire un Pantalon... pas du tout le Pantalon maigre, pas la barbichette, un Pantalon, un gros Pantalon, un vieux marin, avec des grosses épaules, des gros bras, des gros pectoraux, un Pantalon comme on n'en a jamais vu. J'étais content de la silhouette, ravi. Parce que personne ne nous aide. On est tout seul à faire ça. Donc devant un miroir qui est ton meilleur ami, j'ai mis une robe, une longue robe, je l'ai enfilée, et puis en l'enfilant, mes belles épaules sont parties en arrière, et mes beaux pectoraux sont descendus en bide [photo]. Et je commençais à rigoler, ça m'a fait beaucoup rire la forme. Et j'ai rigolé tellement que je me pliais comme ça, et je me disais « Mais en me pliant comme ça, je me vois encore plus drôle. » À ce moment là passait Ariane par là et m'a dit « Bouge pas, bouge pas. » Elle a appelé Françoise Tournafond qui faisait les costumes, les dessins des costumes, qui finissait les costumes que nous on trouvait, et qui nous aidait beaucoup. Elle a dessiné, elle a croqué,... et ça n'a pas bougé [photo]. Du coup en cherchant de ne pas faire ce qui fait la tradition, je me suis rendu compte qu'effectivement aux innocents les mains pleines. Il faut inventer. Il faut se laisser aller. Il faut vraiment se faire plaisir.